Déclaration sur la Conférence internationale sur le Financement du Développement à Monterrey, Mexique, 18-22 mars 2002

Réunion du Comité de l’IS sur l’Economie, la Cohésion Sociale et l’Environnement, New York, Nations Unies, 15-16 février 2002

Original: anglais

L’Internationale Socialiste accueille favorablement la Conférence de Monterrey et souhaite contribuer à son succès. La Conférence de Monterrey offre l’opportunité de mobiliser les fonds nécessaires à la réduction de la pauvreté mondiale. Dans la Déclaration du Millénaire des Nations Unies de septembre 2000, les chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres des Nations Unies ont confirmé leur intention de réduire de moitié, d’ici 2015, le nombre de personnes vivant dans des conditions de pauvreté sévère. A cet effet, de nombreux gouvernements ont mis en place des programmes d’actions définissant leur contribution à ce projet mondial. L’Internationale Socialiste lance un appel à tous les pays du monde pour l’élaboration de programmes ‘action-2015’ nationaux similaires.

Le projet de document final de la Conférence sur le Financement du Développement (Ffd), le ‘Consensus Monterrey’, qui a été adopté le 28 janvier 2002 à New York lors de la quatrième et dernière réunion préparatoire des Etats membres des Nations Unies, comprend une liste détaillée des demandes et attentes des pays développés mais aussi des pays en développement et ceux en transformation. Celles-ci doivent être remplies sur la base d’un ‘nouveau partenariat’. Le 21ème siècle pourrait ainsi devenir un siècle de ‘développement pour tous’. L’IS soutient ces demandes justifiées.

Cependant, l’IS regrette profondément que jusqu’à présent, aucun effort réel n’ait été fait pour inclure les points de vue des parlementaires dans le Consensus de Monterrey. Dans la mesure où de nombreuses recommandations incluses dans ce consensus sont relatives à l’amélioration du cadre légal du secteur financier (banques, assurances, fonds de retraite) et sont la principale responsabilité des parlementaires, nous sommes convaincus qu’il faut faire un effort extraordinaire pour inclure leurs points de vue.

Dans la première partie, il est fait mention de la demande d’une plus grande mobilisation du financement national pour le développement. Cela requiert une lutte déterminée contre le gaspillage des fonds publics et la corruption, l’établissement d’un système bancaire qui fonctionne bien — en particulier pour les micro crédits et les petites et moyennes entreprises — et l’amélioration de la supervision bancaire. Mais il est aussi important de réorganiser et réformer les banques étatiques, et d’éviter la fuite de capitaux et l’évasion fiscale, pour garantir la consistance des lois pour les transactions commerciales, l’égalité de sexe, pour la protection des droits des employés et de l’environnement. En outre, il est extrêmement important pour les pays en développement et ceux en transformation de réduire les coûts des transactions pour les paiements par transfert bancaire des travailleurs-immigrés dans leur pays d’origine, et de promouvoir la politique de logement. L’Internationale Socialiste soutient ces demandes. Elle déplore que le document FfD ne mentionne pas explicitement les standards fondamentaux du travail de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), du fait de l’opposition de pays en développement et des Etats-Unis.

On note l’absence d’une plus forte reconnaissance du fait que les politiques intérieures en elles-mêmes ne mèneront pas au développement à moins que des contraintes systématiques au sein des systèmes économiques et financier internationaux soient abordées de façon adéquate.

La seconde partie traite de la mobilisation des ressources internationales pour le développement. Ceci concerne avant tout l’établissement d’un cadre approprié de conditions pour l’investissement étranger direct. Les pays en développement ont besoin d’un climat transparent, stable et prévisible, lequel est favorable aux investissements basés sur des accords pour la promotion et la protection de l’investissement, des garanties pour l’investissement de capitaux, des conventions sur la double taxation, le co-financement, le capital-risque, des crédits à l’exportation et d’autres formes de financement. Les investisseurs devraient non seulement considérer leurs intérêts personnels légitimes pour créer des revenus mais aussi respecter les standards sociaux et environnementaux. Les partenariats public-privé pour l’amélioration des infrastructures, par exemple dans le domaine de l’information et des technologies de communication, de l’eau et de l’approvisionnement en énergie, pourraient être l’un des moyens pour améliorer les conditions de l’investissement.

L’Internationale Socialiste favorise l’introduction de réglementations efficaces sur les transaction (sous la forme d’institutions améliorées, de taxations internationales, etc.) dans les cas de sorties ou d’afflux de capitaux, à court terme ou de façon excessivement volatile, et est d’avis qu’il ne devrait pas être demandé aux pays en développement de libéraliser le solde des transactions de capitaux si le secteur financier de leur pays n’y est pas favorable. L’exemple de la Chine montre qu’un commerce intensifié et des taux de croissance élevés peuvent être atteints par l’intermédiaire d’investissements étrangers directs sans la libéralisation complète du solde des transactions de capitaux.

Nous souhaiterions que le document soutienne d’avantage la voie vers le développement propre aux pays en développement, en permettant des régimes de comptabilité du capital, taxés et contrôlés. De même, la promotion des standards relatifs au travail et à l’environnement, thème clé, devrait être complétée dans le document et devenir part intégrale du chapitre FDI.

Nous recommanderions fortement que des efforts soient faits quant au contrôle des paradis fiscaux.

La troisième partie considère le commerce comme une source importante et un moteur du développement. Pour les pays qui sont dans une certaine mesure développés et n’ont pas reçu, ou très peu, d’aide au développement, la participation au commerce mondial constitue la base la plus importante du développement, car l’envergure et l’intensité des investissements étrangers directs sont déterminées par leurs possibilités d’exporter leurs produits. L’Internationale Socialiste soutient les recommandations pour une plus forte participation des pays en développement dans le commerce mondial, en particulier celles liées à la réduction de la production et des subventions à l’exportation pour les produits agricoles spécifiques, en Europe et aux Etats-Unis.

L’IS est aussi favorable à l’accès gratuit de leurs produits sans tarif ni quotas, à l’exception des exportations d’armes en provenance des pays les moins développés (PMD) vers les marchés des pays industrialisés, ‘l’Initiative tout sauf les armes’. Les Etats membres de l’Union européenne se sont déjà engagés dans cette initiative et le Japon a également déjà émis une déclaration similaire.

La nouvelle série des négociations commerciales mondiales, à qui le feu vert a été donné lors de la Quatrième conférence ministérielle de l’OMC à Doha, doit être transformée en ‘cycle de développement’. Le programme intégral de la III LDC Conférence à Bruxelles, pour la promotion des exportations en provenance des pays les moins développés, nécessite d’être complémentée par des mesures additionnelles pour les techniques d’aide relatives au commerce, dans tous les pays en développement.

L’Internationale Socialiste appelle à l’évaluation du cadre de contrôle pour le commerce, y compris son impact sur la réduction de la pauvreté, la sécurité alimentaire et la protection des travailleurs et de l’environnement. L’instabilité des prix des denrées et des revenus liés à l’exportation, dans les pays en développement, et les différents mécanismes de gestion des risques pour faire face à ces problèmes, devraient être un autre sujet de préoccupation.

Quatrièmement, l’Internationale Socialiste soutient les recommandations d’une augmentation nécessaire de l’aide officielle au développement (ODA) à 0.7 pour cent du produit intérieur brut (PIB) des pays développés pour améliorer l’efficacité de la coopération financière et technique pour le développement. L’Internationale Socialiste recommande le point de vue de l’ancien président mexicain Ernesto Zedillo et de la Banque mondiale, qui ont stipulé que l’ODA, s’élevant aujourd’hui à 50 milliards de US$, devrait au moins passer à 100 milliards de US$ par an afin de permettre la réduction de moitié de la pauvreté mondiale d’ici l’année 2015. Cela ne représente même pas la moitié des 0.7 pour cent fixé par les Nations Unies comme objectif général il y a environ 30 ans. Les pays en développement n’ont pas encore accepté l’objectif intermédiaire et demandent d’agir conformément à l’objectif des 0.7 pour cent de la déclaration de Monterrey. Les membres de l’OCDE se sont engagés dans cette voix à l’exception des Etats-Unis. Les chefs d’Etat et de gouvernements de l’UE, lors de leur réunion à Laeken (Belgique) le 15 décembre 2001 ont approuvé une étude sur l’analyse des fonds et les périodes durant lesquelles chaque Etat membre pourrait atteindre l’objectif défini par les Nations Unies. Jusqu’à présent, seuls les Etats les plus petits de l’UE, à savoir le Danemark, les Pays-Bas, la Suède et le Luxembourg, ont atteint cet objectif. L’IS lance maintenant un appel aux pays les plus grands, ayant des gouvernements sociaux-démocrates, c’est à dire l’Allemagne, la France et la Grande Bretagne, de mettre en place des calendriers et des programmes de mise en œuvre pour atteindre les objectifs de l’ONU et de prendre des mesures précises pour aller dans cette direction. Sans l’aide accrue des pays membres de l’OCDE, les pays en développement en particulier les plus pauvres, ne seront pas en mesure de saisir les opportunités offertes par la mobilisation des ressources nationales, le transfert international des capitaux et le commerce international, dans la lutte contre la pauvreté. L’Internationale Socialiste préconise qu’au moins 0.2 pour cent du PIB aille au pays les moins développés.

L’IS critique l’absence d’engagement, dans le document sur le Consensus de Monterrey, sur des niveaux d’aide plus élevés, et que les partis socialistes devraient aborder. Les niveaux d’aide devraient être augmentés immédiatement et un calendrier pour atteindre l’objectif de 0.7 pour cent est nécessaire. Il faudrait s’assurer que le calendrier soit en accord avec la date buttoir pour atteindre les Objectifs de Développement du Millénaire. A l’intérieur de ce cadre, des programmes pour l’amélioration des compétences en matière d’éducation, des capacités professionnelles ainsi que des infrastructures en matière de transports, devraient avoir la priorité.

La cinquième partie du consensus de Monterrey recommande la mise en application continue des programmes de réduction de la dette amorcés durant le Sommet G8 de Cologne, pour les pays en développement fortement endettés (PPFE) et une réduction du poids de la dette pour les autres pays dans le cadre des Clubs de Paris et de Londres. L’Internationale Socialiste soutient les efforts faits par certains pays membres de l’OCDE, la Banque mondiale et les banques de développement régional mais préconise, en particulier au Fonds monétaire international (FMI) d’aider tant que possible tous les pays fortement endettés, menacés par la crise financière car ils doivent surmonter leur problèmes liés à la dette.

La réduction de la dette devrait être soulignée dans les PPFE et devrait être conditionnée au respect des droits fondamentaux de la personne, et l’extension de la démocratie.

L’Internationale Socialiste soutient les questions concernant le système, soulevées dans la sixième partie du consensus de Monterrey. Elle recommande le rôle de leader de l’ONU dans la représentation des intérêts des pays en développement, notamment le renforcement du rôle de l’Assemblée générale et du Conseil économique et social (CECOSOC). L’IS est favorable à une plus forte participation des pays en développement dans les institutions financières internationales et dans l’Organisation mondiale du Commerce (OMC). D’avantage de discussions et de décisions concernant les quotas ou le droit de vote sont nécessaires. L’Internationale Socialiste est partisane d’une réforme et d’un renforcement de l’architecture financière internationale, en particulier en rapport avec la prévention et la maîtrise des crises financières, une plus grande implication de l’Organisation internationale du Travail (OIT) dans la solution des problèmes sociaux de la mondialisation, l’intensification de la coopération internationale en ce qui concerne les taxes et la lutte contre le blanchiment de l’argent, le trafic de drogues, la corruption, le crime international organisé et le financement du terrorisme. Une plus grande cohérence des politiques, à niveau international mais aussi national, est essentielle au processus de suivi de la Conférence de Monterrey. ‘L’alliance mondiale pour le développement’ dans laquelle doivent s’engager les chefs d’Etat et de gouvernements, mérite le soutien total de tous les partis de l’Internationale Socialiste, de la société civile, des syndicats, des employeurs et de tous les individus de bonne volonté.

L’Internationale Socialiste est préoccupée par le fait que, malgré de nombreuses crises financières et désarroi en Argentine, le document de Monterrey prétend que ‘des efforts internationaux important sont déjà en cours pour réformer l’architecture financière internationale’. De plus, il faudrait aborder le fait que les institutions financières internationales doivent s’engager dans une révision directe de leurs organes de délibération pour assurer une participation équitable des pays en développement. De même, l’OMC devrait s’assurer que tous ses membres soient proprement représentés dans tous ses organes et ses groupes de travail. Le rôle de l’ONU sur les thèmes économiques mondiaux doit être renforcé et l’ONU devrait obtenir le mandat pour mettre au point des mécanismes innovateurs afin d’améliorer la démocratie dans les prises de décision économiques mondiales.