Déclaration de Budapest

Le Comité de l’IS des Elus locaux et régionaux, Budapest, 24-25 octobre 2000

Les villes, en vertu de leur proximité avec les citoyens, restent les unités de base de la démocratie et le lieu où les changements dont la société civile a besoin peuvent être faits.

Pour les sociaux-démocrates et pour ce Comité, les villes représentent une force vitale pour les efforts collectifs, elles sont capables d’intégrer les individus, de fournir une orientation politique pour obtenir la justice sociale et la pleine participation des citoyens au processus politique.

Ceci était l’approche principale de la réunion du Comité des Elus locaux et régionaux de l’Internationale Socialiste à Budapest, consacrée au thème "La démocratie et Gouvernement local". Les participants ont abordé des questions portant sur les différents concepts de démocratie et d’autonomie locale dans le monde, sur les similarités et les spécificités du rôle des autorités locales pour renforcer la démocratie et la position des socialistes et des sociaux-démocrates à cet égard. Les participants au dialogue ont accordé une attention particulière à la relation entre les autorités locales et les organisations de la société civile, ainsi qu’à l’indépendance financière des autorités locales comme condition essentielle de la véritable décentralisation du pouvoir.

La réunion souligna le fait que les autorités locales étaient l’un des piliers les plus importants de la démocratie. L’intensification de la participation des citoyens, sous toutes ses formes, reste le modèle de la démocratie parlementaire. Il s’agit, avec la décentralisation du pouvoir, de deux principes authentiques de démocratie sociale dans le monde. Ces deux principes devraient être garantis par des procédures électorales démocratiques. Parallèlement, il a été souligné que pour les socialistes et les sociaux-démocrates, la démocratie ne s’arrête pas au fait de voter aux élections. C’est bien plus que cela. C’est un processus d’apprentissage de la vie démocratique, notamment pour les jeunes, et de campagnes d’information à grande échelle avant la prise de décisions. C’est l’identification de véritables opportunités d’action, de dialogue et d’intégration des citoyens. C’est l’accès libre aux postes locaux, garanti à tous les citoyens, avec une véritable égalité entre les hommes et les femmes dans l’exercice du pouvoir. En un mot, cela signifie l’ouverture et la transparence des autorités locales et la participation des citoyens à la prise de décisions.

En attendant, le processus de prise de décisions évolue en permanence dans le monde entier. L’apparition et la corrélation entre le niveau local, régional, international et même transnational dans beaucoup de sphères de notre vie posent des problèmes aux citoyens qui désirent avoir plus d’impact au niveau des décisions politiques qui touchent leur environnement. La méthode traditionnelle et très simple d’organiser un référendum ou un plébiscite sur des questions de plus en plus compliquées répond de moins en moins aux besoins démocratiques. Souvent, c’est un simple moyen pour les politiciens de transférer leurs responsabilités sur les épaules des citoyens qui ne sont pas suffisamment préparés pour comprendre les problèmes. Ceci concerne particulièrement les cas d’intégration aux organisations internationales, comme l’Union européenne, où le processus complexe de prise de décisions et la participation des citoyens est un dilemme pressant pour les Etats membres. Une solution à ce dilemme peut être le renforcement du vieux principe: "penser globalement et agir localement" et du principe relativement nouveau de la subsidiarité. Nous soutenons fortement ces deux principes. L’application efficace de ces principes en pratique peut faire en sorte que les décisions concernant les citoyens soient prises au niveau correspondant le plus adéquat. L’application du principe de subsidiarité oblige le gouvernement central à respecter les voies de consultation avec les autorités locales, elle met en jeu une plus grande consultation entre le niveau local, régional et international. Elle contribue à diviser, clarifier et garantir les droits et les responsabilités entre les différents niveaux de prise de décisions et indique la meilleure place, où et comment la solidarité peut être utilisée. La pratique efficace de la subsidiarité représente aussi une chance de combattre toutes les formes de centralisation et de bureaucratisation, qui entraînent une apathie politique parmi les citoyens.

D’autre part, ces principes peuvent être appliqués efficacement si les citoyens sont prêts à faire usage de toutes leurs opportunités, c’est-à-dire utiliser leurs droits et défendre leurs intérêts. Cela soulève la question de la réforme du système éducatif en prenant en compte les nouvelles exigences de la mondialisation, la question de l’accessibilité aux systèmes de communication les plus utilisés dans le monde ainsi que l’importance croissante des flux d’information au niveau local, régional et international. Le fossé de plus en plus grand dans ces domaines entre les différentes régions du monde est l’une des raisons principales pour lesquelles l’humanité est divisée entre riches et pauvres, développés et sous-développés, intégrés et arriérés, gagnants et perdants de la mondialisation. Les autorités locales peuvent faire beaucoup de choses pour réduire ce fossé en préparant leurs citoyens à trouver leur domaine d’activité dans ce secteur. Au début du XXIe siècle, il est pressant de trouver de nouvelles manières d’appliquer la démocratie locale. Les nouveaux défis de notre monde exigent de nouvelles manières de donner des réponses.

Nous ne devrions pas non plus oublier qu’en améliorant la démocratie locale il doit y avoir un équilibre entre, d’une part, le travail pour les droits et libertés démocratiques et, d’autre part, la lutte permanente pour les causes sociales. Ces deux domaines ont pour objectif de défendre les droits de la personne, mais avec un accent toujours plus grand sur la lutte contre le chômage, les crises économiques, la corruption, la violence, la drogue ou différentes formes de discrimination. Dans ce contexte, nous analysons constamment les effets de nouveaux phénomènes comme l’évolution de l’économie mondiale, du rôle de l’Etat dans la société, le boom de la technologie de l’information et de la communication ou la transformation des valeurs culturelles et humaines. Nous sommes convaincus que les réponses à ces défis - parmi eux le renforcement de la démocratie locale, la participation des citoyens à la prise de décisions, la décentralisation du pouvoir et la solidarité avec les membres handicapés de la société - forment un cadre efficace permettant aux autorités locales de réaliser leur objectif principal, qui est de servir le peuple.

Le développement d’une culture de dialogue entre les décideurs et les administrateurs d’une part et les citoyens, les groupes sociaux, les associations et les représentants du monde économique ainsi que d’autres intervenants de la société civile d’autre part, doit être essentiel. Encourager la mise en place d’une société civile large et forte est une condition nécessaire à la participation efficace des citoyens à la vie des autorités locales et donne des opportunités plus nombreuses de représenter et défendre les intérêts du peuple confronté aux institutions du pouvoir. Ce peut être aussi un outil pour construire une nouvelle alternative à la contradiction entre l’Etat et le marché, un médiateur actif pour trouver un consensus dans les questions communes, un promoteur de la cohésion sociale quelquefois oubliée. Les organisations de la société civile au sein des autorités locales peuvent construire des liens entre les individus et les personnes au pouvoir, réduire l’écart entre la politique et la société. La société civile peut contrôler le secteur public, assurant ainsi la transparence et l’ouverture des autorités locales.

Le défi principal dans la reconnaissance du rôle important du "troisième secteur" est sa diversité, les différences de niveau de préparation, la manière parfois divergente de fonctionner, d’agir ou de penser. Parallèlement cela ne peut pas constituer un obstacle à la coopération avec la société civile. Au contraire, à notre avis les autorités locales peuvent retirer beaucoup d’avantages de cette diversité, elles ont besoin du contrôle de la société civile et elles ont besoin de sa contribution importante à l’amélioration de la ville locale. C’est pourquoi, à notre avis, les autorités locales devraient encourager le développement de la société civile en organisant des stages, clubs, forums de citoyens, en donnant un soutien politique et financier pour mettre en place de nouvelles initiatives et organisations, groupes ou associations. Elles doivent offrir leur support afin de créer un contexte légal et financier démocratique et correct pour le fonctionnement de ces organisations. Elles doivent réagir de manière positive et souple face aux actions positives et nouvelles des organisations civiles, que ce soit dans le domaine des questions de l’environnement, de la santé, du logement, de l’aide aux sans abri, de l’aide aux handicapés, de l’aide aux orphelins, de la lutte contre la criminalité, contre la drogue, la représentation des intérêts des femmes, des minorités ethniques, des immigrants ou autres. Une société civile forte signifie une démocratie forte et une démocratie forte signifie une solide autonomie locale.

Les participants à la réunion ont échangé des opinions sur les différentes pratiques du financement local. Ils ont déclaré que les différences de traditions historiques concernant l’autonomie locale et les relations entre les autorités locales et le pouvoir central se reflètent dans les systèmes fiscaux. Parallèlement, ils ont relevé des principes et directives communs à respecter dans ce domaine. A leur avis, les autorités locales devraient être habilitées, dans le cadre de la politique économique nationale, à disposer de ressources financières propres adéquates, qu’elles peuvent utiliser librement dans les limites de leurs pouvoirs. Ces ressources devraient correspondre aux responsabilités prévues par la constitution et la loi. Les rouages de la redistribution financière doivent appliquer les principes de la solidarité et de l’équité entre autorités locales riches et pauvres.

La démocratie locale peut être limitée de plusieurs manières. La méthode la plus souvent utilisée par les gouvernements centraux de différentes parties du monde est la restriction financière et/ou la distribution de ressources selon des considérations de politiques de partis. Les participants ont souligné que le principe d’autonomie locale est basé sur des objectifs à long terme, mettant en jeu des personnes qui organisent leur propre vie et qui servent les citoyens pour leur offrir les meilleurs services en échange de leurs taxes et autres contributions. Cela signifie que la discrimination politique dans le financement des autorités locales n’est rien d’autre qu’une politique de pouvoir, qui contredit ce principe. Nous devons faire tout notre possible pour empêcher la distribution inégale des sources de financement potentielles en renforçant les procédures et mesures qui garantissent l’autonomie financière des autorités locales et leur liberté de base pour exercer leur discrétion politique dans leur propre juridiction. D’autre part, la transparence et le contrôle public efficace des finances locales sont essentiels. Sans l’application de ces principes, le fonctionnement démocratique des autorités locales reste un objectif inaccessible.

Pour conclure la réunion, les participants s’accordèrent à dire que l’Internationale Socialiste devrait entamer la création et l’adoption d’une Charte Internationale des Autorités locales. Ce document rassemblerait les principes respectés par l’Internationale dans le monde entier dans ce domaine, et répertorierait aussi les critères minimum en matière de droits et responsabilités des autorités locales dans une société démocratique au XXIe siècle.

Au cours de la réunion, on fêta le 10e anniversaire de la création de nouvelles autorités locales hongroises au cours d’une séance spéciale. Pendant cette séance, les intervenants ont survolé les dix années précédentes, en relevant les succès et difficultés du développement de l’idée et de la pratique de l’autonomie locale dans le pays hôte. Citant l’exemple concret de la transformation économique et politique en un système démocratique de la Hongrie, ils ont souligné l’importance du rôle des autorités locales dans ce processus. Ils ont également souligné que les socialistes hongrois se sont activement opposés à la tendance de centralisation lancée par le gouvernement actuel, qui limite non seulement la sphère d’activité des autorités locales mais aussi le développement prospère d’une nouvelle démocratie en Europe centrale et orientale.